lundi 25 octobre 2010

Acte II, Scène 2.

ROMÉO. - Que dit-elle ? Rien ... Elle se tait ... Mais non ; son regard parle, et je veux lui répondre ... Ce n'est pas à moi qu'elle s'adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel, ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu'à ce qu'elles revienent. Ah ! si les étoiles se substituaient à ses yeux, en même temps que ses yeux aux étoiles, le seul éclat de ses joues ferait pâlir la clarté des astres, comme le grand jour, une lampe ; et ses yeux, du haut du ciel, darderaient une telle lumière à travers les régions aériennes, que les oiseaux chanteraient, croyant que la nuit n'est plus. Voyez comme elle appuie sa joue sur sa main ! Oh ! que ne suis-je le gant de cette main ! Je toucherais sa joue !


JULIETTE. - Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m'aimer, et je ne serai plus une Capulet. Ton nom seul est mon ennemi. Tu n'es pas un Montaigue, tu es toi-même. Qu'est-ce qu'un Montaigue ? Ce n'est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d'un homme... Oh ! sois quelque autre nom ! Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s'appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu'il possède... Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière. Quel guide as-tu eu donc pour arriver jusqu'ici?

ROMÉO. - L'amour, qui le premier m'a suggéré d 'y venir : il m'a prêté son esprit et je lui ai prêté mes yeux. Je ne suis pas un pilote ; mais, quand tu serais aussi éloignée que la vaste côte de la mer la plus lointaine, je risquerais la traversée pour atteindre pareil trésor.

JULIETTE. - Tu sais que le masque de la nuit est sur mon visage ; sans cela, tu verrais une virginale couleur colorer ma joue, quand je songe aux paroles que tu m'as entendues dire cette nuit. Ah ! je voudrais rester dans les bons usages ; je voudrais, je voudrais nier ce que j'ai dit. Mais adieu, les cérémonies ! M'aimes-tu ? Je sais que tu vas dire oui, et je croirais sur parole. Ne le jure pas : tu pourrais trahir ton serment : les parjures des amoureux, font, dit-on, rire Jupiter... Oh ! gentil Roméo, si tu m'aimes, proclame-le loyalement : et si tu crois que je me laisse trop vite gagner, je froncerai le sourcil, et je serai cruelle, et je te dirai non, pour que tu me fasses la cour : autrement, rien au monde ne m'y déciderait... En vérité, beau Montaigue, je suis trop éprise, et tu pourrais croire ma conduite légère ; mais crois-moi, gentilhomme, je me montrerai plus fidèle que celles qui savent mieux affecter la réserve. J'aurais été plus réservée, il faut que je l'avoue, si tu n'avais pas surpris, à mon insu, l'aveu passionné de mon amour : pardonne-moi et n'impute pas à une légèreté d'amour cette faiblesse que la nuit noire t'a permis de découvrir.


ROMÉO. - Si l'amour profond de mon coeur...

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